Trump – Mohammed ben Salmane, un grand deal à Washington
Statut d’allié majeur hors-OTAN, F-35, nucléaire civil et promesse de 1 000 milliards de dollars d’investissements : la visite de MBS à la Maison-Blanche éclaire la nouvelle grammaire du rapport de force entre Washington et Riyad.
Pour la première fois depuis le meurtre de Jamal Khashoggi en 2018, le prince héritier saoudien Mohammed ben Salmane (MBS) a été reçu le 18 novembre 2025 avec tous les honneurs à la Maison-Blanche. Donald Trump a annoncé la désignation de l’Arabie saoudite comme « allié majeur hors-OTAN », l’ouverture à la vente de chasseurs F-35, un accord-cadre sur le nucléaire civil et une montée des investissements saoudiens aux États-Unis vers 1 000 milliards de dollars. Au-delà des images, la rencontre redessine les lignes d’un partenariat stratégique déjà au cœur des équilibres moyen-orientaux. he Economic Times+4Politico+4CBS News+4
Un retour en grande pompe, sept ans après Khashoggi
Le prince héritier faisait son retour à Washington sept ans après l’assassinat du journaliste du Washington Post Jamal Khashoggi au consulat saoudien d’Istanbul, un crime que les agences de renseignement américaines estiment avoir été validé au plus haut niveau du pouvoir saoudien. https://www.wowt.com
Cette fois, la mise en scène est soigneusement calibrée : cérémonie en plein air avec survol militaire, conférence de presse conjointe, dîner de gala à la Maison-Blanche. Trump multiplie les gestes de proximité et défend MBS, allant jusqu’à rejeter à nouveau les conclusions de son propre renseignement en déclarant que « des choses arrivent » (“things happen”). www.ndtv.com+1
La séquence envoie un signal clair : la page Khashoggi est considérée comme tournée côté exécutif américain, même si les ONG et une partie du Congrès continuent d’en faire un test de crédibilité pour Washington. Human Rights Watch+1
Défense, nucléaire, IA : les piliers du « paquet stratégique »
Sur le fond, plusieurs décisions structurantes sont annoncées :
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Statut d’allié majeur hors-OTAN pour l’Arabie saoudite, ce qui facilite les transferts d’armes, la participation aux programmes de défense américains et le stockage éventuel de matériels sur le sol saoudien. Politico+2Newsweek+2
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Feu vert à la vente de F-35 et d’autres équipements lourds (dont près de 300 chars, selon certaines sources), marquant un saut qualitatif dans les capacités militaires du royaume. Yahoo!+1
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Accord-cadre sur le nucléaire civil, présenté comme conforme aux règles de non-prolifération mais destiné à doter Riyad d’un pilier énergétique et technologique supplémentaire. Reuters
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Promesse d’investissements saoudiens rapprochant le total de 1 000 milliards de dollars aux États-Unis : en direct, MBS confirme à Trump que les 600 milliards déjà annoncés seront portés « à presque 1 000 milliards » dans les prochaines années, notamment dans les infrastructures, les technologies avancées et l’intelligence artificielle. mint+3The Indian Express+3CBS News+3
Vu sous l’angle de l’intelligence économique, ce « paquet » articule quatre leviers : sécurité, via l’accord de défense et les F-35 ; énergie, avec le nucléaire civil et le rôle de l’Arabie saoudite à l’OPEP+ ; capital financier, à travers les flux d’investissements ; et technologies de l’information, via les projets liés à l’IA et aux data centers évoqués dans l’agenda de la visite. Reuters+1
Entre opportunité stratégique et malaise politique : les premières réactions
À Washington, la mise en avant de ce « grand deal » suscite des réactions contrastées.
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Des parlementaires démocrates et certains républicains critiquent la chaleur de l’accueil réservé à MBS, estimant que la désignation d’allié majeur hors-OTAN et la vente de F-35 interviennent « sans condition sérieuse » sur les droits humains ou la responsabilité dans l’affaire Khashoggi. Sanad Organization+1
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Des organisations comme Human Rights Watch rappellent que la pression internationale post-Khashoggi avait conduit à quelques améliorations (notamment sur la peine de mort pour mineurs), et redoutent qu’un tel geste politique ne soit interprété comme un blanc-seing. Human Rights Watch
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À l’inverse, les milieux économiques et l’industrie de défense mettent en avant les opportunités de contrats et la nécessité de garder Riyad dans l’orbite américaine face à la Chine et à la Russie. Reuters+1
La présence, au dîner officiel, de figures comme les dirigeants de grands groupes technologiques et financiers illustre cette imbrication entre diplomatie d’État, intérêts industriels et capital privé. AP News
Ce que cet épisode dit de la nouvelle géopolitique de l’influence
En quelques heures, la séquence Trump–MBS condense plusieurs tendances lourdes :
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Le primat du transactionnel : la relation est mise en récit à travers des chiffres – milliards de dollars, volumes d’armes, mégaprojets – plus que par des références à des valeurs ou à des engagements en matière de droits humains. Chron+2www.ndtv.com+2
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La centralité croissante des infrastructures technologiques : l’IA, le cloud, les centres de données et le nucléaire civil deviennent des marqueurs de puissance aussi sensibles que le pétrole ou les chasseurs furtifs. Reuters+1
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Le rôle accru des puissances “médianes” : l’Arabie saoudite se positionne comme une plateforme capable de monnayer sa place entre Washington, Pékin et Moscou, en combinant pétrole, capitaux, poids religieux et appétit technologique. Reuters+1
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La bataille des récits : la manière dont la visite est cadrée – paix au Moyen-Orient, investissements créateurs d’emplois, modernisation mutuelle – relève pleinement de ce que les analystes appellent aujourd’hui la guerre cognitive : agir sur les perceptions pour reconfigurer l’image d’un dirigeant et d’un partenariat, davantage que sur les réalités politiques de fond. Newsweek+1
Mots-clés : Donald Trump ; Mohammed ben Salmane ; Arabie saoudite ; États-Unis ; F-35 ; allié majeur hors-OTAN ; nucléaire civil ; investissements ; Jamal Khashoggi ; droits humains ; intelligence économique ; guerre cognitive.



