La Turquie va-t-elle se normaliser ?

L’entrée de la Turquie dans l’Union Européenne ne peut se faire avant que le parti de l’AKP, valeur montante en Turquie ne fasse preuve d’une part d’un engagement basé sur l’honnêteté et le travail vis à vis de ses électeurs, et d’avancer les garanties d’une identité forte et ouverte à l’égard de l’Europe, et qui s’inscrit dans une culture de mondialisation.

Les élections législatives du 3 novembre 2002 en Turquie n’ont pas changé la donne seulement en Turquie mais aussi au Moyen-Orient, en Europe et aux Etats –Unis.
C’est au moment où l’adhésion de la Turquie à l’union européenne et la guerre en Iraq étaient très fortement débattues dans l’actualité mondiale, que le mouvement s’identifiant lui-même à un mouvement « conservateur et démocrate » a remporté très largement le scutin et qu’il a formé le nouveau gouvernement. Cette situation est nouvelle autant pour l’Europe que pour les Américains.
Une large partie du gouvernement de l’AKP est constituée d’anciens membres du mouvement milli gêrus qui a été écartée du pouvoir par le coup d’état post-moderne du 28 février 1997 ; et ceci gène bien entendu certains milieux. Cependant, la victoire de l’AKP n’a pas connu la même opposition qu’avait connu le gouvernement de M.Erbakan. Il y’a de nombreuses raisons à cela, .mais ceci est sûrement dû au fait que l’AKP a su tirer les leçons de l’expérience du 28 février. Les dirigeants de l’AKP ont compris qu’en Turquie, les voix seules ne suffisaient pas pour constituer un gouvernement solide. Il est nécessaire de s’attirer les faveurs de certains milieux.Ces milieux sont principalement le syndicat patronal TUSIAD, les groupes de média et en particulier de groupe Dogan. Bien évidemment, il y’a aussi l’armée !il vaut mieux ne pas trop adopter une politique anti-américaine, anti-occidentale et anti-FMI. Ce sont toutes ces considérations que le parti de l’AK a pris en compte au moment de sa création. Les membres de l’AK ont affirmé leur volonté de ne pas créer de polémiques et de privilégier la cohésion sociale. Ils ont évité de mettre en avant des discours islamiques. Pour rassurer les plus sceptiques, et former une alliance populaire, ils se sont vite tournés vers l’Occident au lendemain de leur victoire. Ils ont même fêté leur victoire d’une manière très discrète. Toutes leurs politiques vont dans le sens du consensus. Et jusqu’à présent, ni les patron s, ni les militaires, ni les médias ni la population ne semblait vouloir monter au créneau. Au contraire, on constate que les enquêtes qui ont suivi les élections , le soutien populaire a atteint 45%. L’AKP est la valeur montante en Turquie.

le charisme du leader

Il est certain que le charisme du leader du parti Rcccp, Tayyip Erdogan joue un grand rôle. Son travail alors qu’il était maire d’Istanbul, son jeune âge, son allocution et son travail d’équipe ont fait qu’il occupe aujourd’hui la première place. Cependant, on ne peut pas attribuer le score de 35% seulement à cela. Ces quatre dernières années ,la Turquie a été gouvernée par la plus mauvaise coalition de l’histoire de sa république. Quinze millions de personnes ont été contraintes de vivre en –dessous du seuil de pauvreté. Il n’existe plus de classe moyenne .L’économie a été abandonnée au FMI, de nombreuses banques ont fait faillites et les détournements de fonds ont atteint des niveaux gigantesques. Toutes ces raisons ont très largement influencé la population turque. A la veille des élections, les enquêtes réalisées montraient bien que la population allait s’orienter vers les candidats qui représentent l’honnêteté et qui ne sont pas des « voleurs ». M.Erdogan et son équipe viennent du mouvement du Milli Gorus. Celui-ci s’était fait remarquer justement sur ces valeurs d’honnêteté, de travail, et de sincérité. L’AKP a donc bénéficié naturellement de cette image. Les électeurs n’ont pas forcément étudié en long et en large le programme de l’AKP. D’ailleurs, l’AKP ne s’attardait pas non plus sur son programme lors de ses meetings. Ainsi, les élections ont donné leurs voix aux politiciens qui n’allaient pas les voler !c’est ce type de politicien que Tayyip Erdogan représente, et c’est aussi pour cela que son personnage a été crucial. La population a mis en avant Recep Erdogan , mais elle n’a pas pu en faire son premier ministre. La volonté des électeurs n’a pas été écoutée ! Mais on considère que dans les trois mois qui suivent, les changements apportés à la constitution permettront son accession à la tê et du gouvernement. Maintenant, venons-en à notre première interrogation : la Turquie va -t-elle se normaliser ?est-ce -que l’Etat turc va enfin faire la paix avec son passé, sa culture, sa tradition ? est-ce-qu’un Etat en paix avec lui-même va naître et créer des relations solides et justes avec l’Occident., l’Union européenne, les Etats-Unis et les autres pays musulmans ? Ce sont des questions auxquelles beaucoup de personnes attendent des réponses dans les semaines à venir. La Turquie ne pourra pas avancer davantage si elle ne se réconcilie pas avec son identité et son histoire. Le gouvernement de l’AKP et ses politiques pourraient être des facteurs qui vont dans ce sens. Les dirigeants de l’AKP ont une culture mondiale riche , une expérience certaine, un comportement rationnel, consensuel et ouvert au dialogue. Ceci peut être une chance pour la Turquie et pour la paix mondiale. Le gouvernement de l’AKP peut devenir un facteur de dialogue et de paix entre les civilisations. Le sommet de l’Union Européenne du 12 décembre à Copenhague est une date importante. Une décision positive en faveur de la Turquie n’influencera pas seulement la Turquie mais tout le monde musulman. L’AKP peut reformuler la politique intérieure .De sérieux projets sont en cours à ce sujet. La priorité est donnée à l’économie. Le vent souffle en faveur de l’AKP. La reprise de l’économie, des changements constitutionnels en faveur des droits de l’homme et de la démocratie pourront davantage participer à ce processus de normalisation. L’AKP est conscient des difficultés qui l’attendent. Est-ce que la Turquie est en train de changer, est-ce qu’elle se normalise? Cela va être très difficile mais pas impossible à réaliser.