Elections régionales :
Le 8 octobre dernier, près de 6 millions de Cachemiris indiens étaient invités à élire leurs représentants régionaux. Résultat : une participation décente, et une assemblée dominée par une coalition liant le Parti du Congrès – principal parti d’opposition en Inde – et une formation locale pro-indienne, le Parti démocratique du peuple (PDP) de Mufti Mohammed Sayeed.
Près de 6 millions d’électeurs étaient invités à élire leurs représentants à l’assemblée régionale du Jammu-et-Cachemire – seul Etat de l’Inde à majorité musulmane, revendiqué depuis 1947 par le Pakistan – au cours d’un scrutin qui s’est déroulé entre le 16 septembre et le 8 octobre.
La campagne de cette consultation à hauts risques (les douze derniers mois ont été marqués par une recrudescence des actes terroristes sur le territoire indien qui ont conduit l’Inde et le Pakistan au bord d’un quatrième conflit armé) s’est ouverte dans un climat de défiance. Selon un sondage, 81% des habitants de la vallée du Cachemire étaient persuadés que les résultats seraient truqués, comme le dernier scrutin régional de 1996, entaché de fraudes, qui avait vu la pro-indienne National Conference (NC) dirigée par la dynastie des Abdullah(1) remporter les deux-tiers des 87 sièges de l’assemblée régionale.
Cherchant à redorer son blason démocratique, New-Dehli comptait sur les élections de 2002 pour améliorer les relations qu’elle entretient avec cette province déchirée. Au cours de l’été, la capitale indienne avait dépêché ses émissaires, venus rencontrer les « séparatistes » de la All Party Hurriat Conference (APHC), afin de les convaincre de participer au processus électoral. Mais l’APHC – qui regroupe indépendantistes et pro-pakistanais – a décidé de boycotter le scrutin, et appelé la population cachemirie à exprimer « clairement qu’elle ne veut pas d’élections mais une solution durable au conflit ». En clair, l’ouverture d’un dialogue tripartite impliquant aussi les Pakistanais, une voie dans laquelle New-Dehli refuse de s’engager tant que son voisin n’aura pas fait cesser son « terrorisme transfrontalier ».
A l’ouverture du scrutin, de nombreux électeurs musulmans ne cachaient pas leur intention de ne pas voter, notamment pour ne pas s’attirer les représailles de la guérilla pro-pakistanaise. De fait, la violence s’est déchaînée pendant le processus électoral, un bilan officiel ayant dénombré 527 morts, dont une trentaine responsables politiques (la plupart militants de la NC, comme le ministre de la justice de l’Etat de Jammu-et-Cachemire, Mushtaq Ahmad Lone).
Environ 44 % de votants
Malgré ce climat de terreur, 44% des électeurs – tous districts confondus – se sont déplacés, un chiffre jugé « satisfaisant » par New-Dehli. La promesse d’élections libres et honnêtes semble en tous cas avoir été tenue. En atteste la défaite de la NC, soutenue par le BJP (2), qui a payé sa proximité avec le gouvernement central et son image d’organisation rongée, avec l’usure du pouvoir, par la corruption : ses candidats ont perdu la moitié des sièges que la NC détenait depuis le dernier scrutin de 1996. L’assemblée du Jammu-et-Cachemire sera donc dominée par une coalition nouée entre le Parti du Congrès – principal parti d’opposition en Inde, dirigé par Sonia Gandhi – et une formation locale pro-indienne, le Parti démocratique du peuple (PDP) de Mufti Mohammed Sayeed.
Malgré ce « revers » électoral, le Premier ministre indien Vajpayee a salué « une victoire de la démocratie indienne ». Une victoire qui ne remettra pas, pour autant, en cause la souveraineté indienne sur cet Etat, dans la mesure où les partis appelés à former le nouveau gouvernement du Cachemire indien sont en faveur de son maintien dans l’Union. Ce qui n’a pas empêché Abdul Gani Bhat, président de l’APHC, de se réjouir de la débandade de la NC, en soulignant que si le Parti du Congrès et le PDP, qui ont appelé à des discussions inconditionnelles avec les séparatistes, « tiennent leurs promesses faites au peuple, nous pourrons peut-être avancer ».
En particulier s’ils font pression auprès du gouvernement central pour obtenir la très large autonomie qu’à défaut d’indépendance, les Cachemiris pourraient accepter sous certaines conditions. S’il paraît outrancier de qualifier de « séisme », comme l’on fait des commentateurs en Inde, la défaite de la NC, il est indéniable que depuis le 10 octobre, le jeu politique s’est entrouvert au Cachemire indien. n
(1) fondée en 1931 par Cheikh Mohammed Abdullah, la NC a été dirigée ensuite par son fils Farouk, qui a nommé à sa tête en juillet son propre fils, Omar.
(2) Parti actuellement au pouvoir en Inde et dont est issu le Premier ministre Vajpayee.

