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Le deal Bush-Sharon : La Palestine prise en otage

Depuis le 11 septembre 2001, Ariel Sharon a su convaincre George W. Bush d’une idée archi-fausse : que les attentats palestiniens en Israël répondent à la même logique que ceux d’Al Qaeda aux Etats-Unis. Aujourd’hui, leur nouveau deal est clair : lâcher un peu prise sur les Palestiniens pour mieux s’aménager les faveurs arabes avant de bombarder Bagdad.

Marwan Barghouti repassera le 21 novembre devant la justice israélienne. Pour au moins la troisième fois. Un procès qui donnera lieu à une redoutable bataille de procédure. En effet, sa garde à vue dure depuis le sinistre mois d’avril : les troupes de Sharon avaient réoccupé des territoires autonomes en Cisjordanie et perpétré à Jénine un massacre qui reste encore impuni. Le dirigeant palestinien est accusé par Israël d’être le vrai leader des Brigades des Martyrs d’Al Aqsa, un mouvement qui a revendiqué de nombreuses opérations anti-israéliennes. Mais le héros de la première intifada clame son statut d’élu du peuple palestinien et de chef du Fatah en Cisjordanie. De toutes façons, il récuse la justice israélienne et le lui fait savoir. Il considère son arrestation comme un hold-up contraire à la légalité internationale et promet au gouvernement israélien de faire de son procès une tribune politique. Un mouvement d’opinion international se dessine en sa faveur. Outre son épouse Fadwa, plusieurs avocats, dont des Français, figurent dans le collectif qui va assurer sa défense : Maître Jamil Younes et Maître Gisèle Halimi, dont le courage politique n’est plus à démontrer depuis qu’elle a pris la défense des nationalistes algériens pendant la guerre d’Algérie, alors qu’elle était encore toute jeune avocate.

Résistance contre le fait du prince

Le procès de Marwan Barghouti est symptomatique de la mauvaise conscience israélienne. Autant la résistance de Yasser Arafat hante les nuits d’Ariel Sharon, autant celle de Marwan Barghouti met par terre le label de la “démocratie israélienne” au sein des opinions occidentales, jusqu’ici engluées dans le complexe d’antisémitisme. L’audience du 3 octobre n’a duré qu’une heure et a été caractérisée par des échauffourées à l’entrée du tribunal. L’un des avocats de M. Barghouti s’est plaint d’avoir été battu par le service d’ordre et chassé du tribunal. Ce procès symbolise au fond toute la problématique du duel israélo-palestinien : la force brute et le fait du prince d’un côté ; de l’autre, la résistance inépuisable d’un peuple qui refuse de se rendre au bout d’un demi-siècle de brimades et de coups reçus… de partout.
Depuis les attentats meurtriers et politiquement imbéciles du 11 septembre 2001, Ariel Sharon et les vrais faucons israéliens se sentent pousser des ailes. Quel bel argument que ces trois mille malheureux cadavres de New York pour convaincre George Bush junior, piaffant dans ses rangers tous neufs, qu’Arafat et Ben Laden, c’est bonnet blanc et blanc bonnet. Le chef de la Maison Blanche a pendant un an joué ce scénario en accordant le feu vert à son allié israélien. Il s’est contenté de tirer sur la bride quand les troupes de Sharon allaient trop loin dans le cynisme. Mais depuis que se précise une opération militaire américano-britannique contre Bagdad, la patience du président américain a montré ses limites. A la mi septembre, alors que l’administration américaine tentait de convaincre ses partenaires du Conseil de sécurité de sauter l’étape du retour en Irak des inspecteurs de l’Onu et de passer directement au renversement de Saddam Hussein, Ariel Sharon a lancé ses blindés à l’assaut de la Mouquata’a à Ramallah. Le Quartier Général abritant les bureaux de l’Autorité palestinienne ainsi que son président, a été démantelé pièce par pièce. Il ne restait à Yasser Arafat et aux deux cents personnes qui l’entouraient que quelques locaux branlants.
Ce nouveau siège a duré une dizaine de jours sous les yeux d’une opinion internationale immobile, comme tétanisée par autant de bêtise politique et d’outrecuidance. A la Maison Blanche, c’était l’effondrement. Une telle opération mettait par terre de longs mois de travail diplomatique en direction des Etats arabes pour les convaincre qu’en voulant déboulonner le maître de Bagdad, Washington ne nourrissait aucune hostilité à l’égard des Arabes et des musulmans.
Sous la pression américaine, Ariel Sharon a dû rappeler ses blindés. Le vieux leader palestinien marquait un nouveau point important contre son ennemi juré, même si les chars israéliens sont restés à une portée de voix de la Mouquata’a. Depuis, plusieurs dizaines de Palestiniens dont de nombreux enfants ont été assassinés en Cisjordanie et à Gaza par ce que la presse désigne pudiquement comme des incursions israéliennes. Victoire amère donc, à Ramallah, car personne ne doute que la mansuétude américaine à l’égard des assiégés de la Mouquata’a n’est pas motivée par un réflexe de justice mais par le souci de ne pas incommoder les opinions arabes à la veille de frappes annoncées contre Bagdad. Tragique mouvement de balancier entre la Palestine et l’Irak dans la gestion de la tension. Cette fois, si l’agresseur israélien est tenu de se calmer, c’est l’Irak qui va payer pour les Palestiniens. Pour un temps.
Depuis qu’ils ont compris que la stratégie à long terme du premier ministre de droite est d’achever ce qu’il appelle la guerre d’indépendance de l’Etat hébreu inaugurée en 1948, les Palestiniens s’attendent à une nouvelle politique de la terreur destinée à achever la réoccupation des territoires autonomes. Mais cette fois, ils sont décidés à mourir sur place un par un s’il le faut. Pas question, pour les survivants, de prendre leur baluchon pour un nouveau chemin de l’exil comme en 48 ou en 67. Et d’ailleurs, où aller ? Leur calvaire se poursuit donc tranquillement. Avec près de deux mille morts en deux ans et des milliers de blessés, le décompte macabre continue. Inexorablement. Désarçonnée ou bridée, la rue arabe ne bouge pas, à quelques rares exceptions. Quant aux dirigeants…A Beyrouth, en mars, ils ont adopté le plan saoudien préconisant une reconnaissance collective de l’Etat hébreu contre la libération des territoires arabes occupés. Mais comment faire pour l’appliquer quand on clame que l’arme du pétrole ne sera pas mise dans la balance ?

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