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entretien avec Nourredine Boubeker

Le Fond d’action et de soutien à l’intégration et à la lutte contre les discriminations

Le Fond d’action social (FAS) a été créé par le général de Gaulle en 1958 pour venir en aide aux travailleurs musulmans d’Algérie vivant en France, discriminés en matière de logement et de prestations sociales. Le Fas a accompagné l’évolution de l’immigration marquée, pour le Fas, par des changements de nom successifs . C’est ainsi qu’il est, au terme de la loi relative à la lutte contre les discriminations devenu le FASILD, fonds d’action et de soutien pour l’intégration et la lutte contre les discriminations. Nous avons recueilli les propos de Nourredine Boubaker, responsable national de la formation et l’emploi au Fasild.
« Nous avons vu notre objet social se modifier , et avec lui se constituer la catégorie immigrée, au fur et à mesure de la transformation de l’immigration. Au départ notre public c’était les français musulmans d’Algérie, puis les étrangers, les migrants, les travailleurs immigrés et leur famille. Avec l’émergence des discriminations, nous agissons, à la fois sur les migrants et la société tout entière. Avec le passage de l’homme seul à la famille, de cette immigration masculine, économique, et provisoire à l’immigration familiale, durable, on assiste à un changement radical dont on a très mal analysé les conséquences. On ne peut plus, en particulier, continuer à penser l’immigration comme si elle était extérieure à la société. Avec les jeunes dits issus de l’immigration, les beurs, etc.… on assiste à une véritable « reproduction sur place » de l’immigration comme le dit Sayad. La diversité culturelle devient une réalité d’évidence, qu’on le veuille ou non, et l’immigration devient consubstantielle à la société. Alors même que ces jeunes sont souvent nés et scolarisés en France, le plus souvent même français, ils continuent à être perçus irrémédiablement comme immigrés. Le soupçon, la suspicion, l’illégitimité pèsent toujours, et dans les esprits, leur présence ici est perçue comme déplacée.

Nous avons ainsi été conduit à remettre en cause nos modes de pensée et d’actions et, en particulier, à tirer les conséquences de l’analyse de l’intégration en terme de processus. Ce dernier est toujours conflictuel et douloureux mais également irréversible. Ce processus conduit à considérer la société d’accueil comme un public à part entière, destinaire d’actions
pour modifier les représentations négatives véhiculées sur l’autre, racialisé et renvoyé à son origine. Nous comprenons progressivement que l’intégration est une opération bien plus complexe qu’il n’y parait , qui ne se réduit pas à  » assimiler » petit à petit des individus. C’est une entreprise de transformation, à son corps défendant, de la société elle-même tout entière, de son identité nationale. Il s’agit alors aussi d’intégrer la société à une réalité nouvelle: l’immigration qui ne peut être perçue comme extérieure.

Il est clair que l’émergence de la question des discriminations a accéléré cette prise de conscience et nous oblige à nous regarder tels que nous sommes: moins bien à l’aise avec le racisme que nous feignons de le croire.

Notre passé colonial refoulé ressurgit et avec lui, le sentiment de domination et la hiérarchisation des individus en fonction de leur origine.
Ce processus de différenciation- hiérarchisation des individus est accentué par le fait que, dans les politiques publiques, le migrant est toujours décrit à partir de ces manques, de ses handicaps. On entretient ainsi, souvent inconsciemment des représentations négatives et une vision misérabiliste de l’immigration. Nous pensons que les discriminations ne sont rien d’autres que que la mise en pratique des représentations connotées que l’on porte sur l’autre. Un autre que l’on réduit à son origine, alors que celle-ci n’est qu’un élément parmi d’autres de la construction complexe de l’identité qui est toujours une alchimie, un assemblage hétérogène non réductible à un seul composant.
La définition de l’intégration du HCI reconnaît du reste l’existence des différences culturelles. On peut ainsi parfaitement se sentir intégré, acquérir ou non la nationalité française et demeurer de religion ou de culture, musulmane, par exemple.

A propos de l’apprentissage de la langue française, grâce à l’action des associations et du Fas pendant trente ans, on assiste aujourd’hui à une véritable reconnaissance des enjeux liés à la connaissance de la langue pour les migrants. C’est justement parce que l’immigration n’est que
rarement temporaire, qu’apprendre la langue devient une nécessité vitale pour réussir sa vie en France, pour s’émanciper et s’épanouir, pour comprendre, devenir acteur et citoyen, pour trouver du travail, échapper au repli et parler avec les autres. Cela implique pour le migrant de
s’impliquer , de faire les efforts nécessaires pour y parvenir. Mais il incombe pour cela à la société française et les pouvoirs publics d’organiser et de proposer sur tout le territoire une offre de qualité, incitative, adaptée, de proximité et professionnelle.

Pouvoir ou non apprendre correctement le français ne peut plus résulter d’une démarche aléatoire, du bon vouloir associatif, de la bonne volonté ou d’une logique de type humanitaire, nous pensons que c’est une chose déterminante pour l’intégration des personnes et pour la société tout entière. C’est pour cette raison que nous parlons d’un véritable droit à la langue, que nous serons de plus en plus exigeants avec nos opérateurs, que nous passerons progressivement à une logique de mise en concurrence et de véritable obligation de résultat; Les associations ont réussi à faire émerger le besoin en la matière, il est dorénavant reconnu pour les pouvoirs publics qui doivent, en conséquence en organiser et coordonner l’accès. Le futur contrat d’intégration est à ce titre une véritable opportunité. »

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