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La politique américaine au Moyen-Orient :

Les nombreux atermoiements relatifs à une intervention militaire en Irak placée sous l’égide des Etats-Unis ne sauraient cependant cacher un fait avéré pour sa part : l’administration américaine est déterminée à provoquer un changement de régime en Irak. Un tel fait lui procurerait un nouveau souffle économique doublé de la possibilité de provoquer une nouvelle répartition de la donne stratégique régionale. Mais quelles perspectives effectives Washington cherche-t-il dès lors à atteindre dans une région où les tensions politiques ne manquent pas ?

La détermination de Washington à provoquer un changement de régime en Irak est pleinement entamée, et tout n’est maintenant qu’une question de temps. Telle est du moins l’impression qui plane fortement sur le conflit annoncé le plus médiatisé du monde. Les révélations sur la détermination de longue date de l’administration américaine à évincer Saddam Hussein de son poste de président de l’Irak – sinon du territoire irakien – se voient ainsi de plus en plus corroborées par des révélations, notamment sur la manière avec laquelle certains faucons de l’administration Bush avaient décidé, au lendemain des attaques du 11 septembre 2001, de profiter alors de l’émotion publique internationale afin de faire aboutir les ambitions stratégiques américaines bien au-delà de l’Afghanistan. Le discours sur l’état de l’Union du président Bush, prononcé le 29 janvier 2002 et précurseur de la notion d' »axe du mal », contribuera pour sa part à préparer indirectement les opinions publiques au nouveau concept de « guerre préventive » développé par l’hyperpuissance mondiale. La possibilité pour l’Irak de pouvoir échapper à un changement de régime provoqué, à compter du moment où il ferait preuve de son désarmement et de sa pleine coopération avec les inspecteurs onusiens, n’est pour sa part qu’un artifice au moyen duquel l’administration Bush s’accorde le temps nécessaire pour pouvoir répartir ses forces dans le Moyen-Orient. Les conditions auxquelles ont été soumises les autorités irakiennes afin de « faire preuve de leur désarmement » ne sont en effet que trop rigoristes pour pouvoir prouver quoi que ce soit : délai trop court pour la remise par l’Irak d’un rapport détaillé sur l’état de son armement, appréciation sans cesse remise en cause par Washington et Londres du degré de sincérité de Bagdad dans sa coopération avec les inspecteurs de l’Agence Internationale de l’Energie Atomique (AIEA), et tendance à affirmer que la moindre tension pouvant provenir de la part des officiels irakiens est un signe tangible de refus de coopération du pays. Sans oublier que, les Etats-Unis s’étant constitués partie civile, et Bagdad se retrouvant au ban des accusés « présumés non-innocents », force est de constater qu’il manque la présence d’un acteur principal à même de garantir la bonne tenue de ce procès du régime irakien : un juge impartial, indépendant, maître de son jugement. Le pseudo-tribunal qu’incarne pour sa part le Conseil de sécurité des Nations Unies n’a quant à lui pu faire que largement preuve, jusque-là, de la présence de fortes pressions politiques en son sein.

Le Moyen-Orient,
« zone franche » américaine

S’il est néanmoins une certitude absolue aujourd’hui, c’est que les Etats-Unis pourraient dorénavant se passer d’une intervention militaire effective en Irak. Le concept de « guerre préventive » développé par Washington au lendemain des attaques du 11 septembre 2001, doublé de la constitution massive et ininterrompue d’un lourd arsenal militaire dans la grande majorité des pays du Moyen-Orient, aura en effet permis aux Etats-Unis de se retrouver dans une configuration stratégique qui sert ses visées initiales. C’est ainsi que tous les pays du Golfe se retrouvent massivement investis par des troupes américaines. L’Arabie saoudite ne fait elle-même pas exception à cette règle, bien que la période récente ait fait montre de tensions évidentes qui l’ont opposée à son ancien allié américain, et que les événements du 11 septembre 2001 auront aidé à renverser en faveur de ce dernier. Parallèlement, la Turquie et les autres pays du Moyen-Orient – Iran inclus -, s’ils s’opposent dans les faits à une intervention franche sur le territoire irakien, le font néanmoins pour des raisons relevant d’intérêts nationaux particuliers à chacun d’entre eux. A ce titre, la rencontre qui avait réuni le mois dernier la Turquie, l’Arabie saoudite, l’Egypte, la Jordanie, la Syrie et l’Iran à Istanbul a montré le peu de consensus qui règne parmi maints Etats de la région. A défaut de pouvoir clamer haut et fort des revendications communes, la seule déclaration issue de cette réunion aura consisté en une exhortation de l’Irak à « adopter une démarche plus active » pour respecter les résolutions de l’ONU et éloigner le spectre de la guerre. Une déclaration pragmatique sur le plan diplomatique, certes, mais pathétique dans le même moment, étant donné que la définition des conditions effectives par lesquelles l’Irak ferait effectivement preuve de sa pleine coopération restent inconnues pour leur part.
Enjeux politiques de la région

C’est ainsi que l’Irak n’est à considérer que comme une simple étape qu’il appartiendra aux Etats-Unis de franchir afin de faire aboutir, sur le court comme sur le long terme, des faits d’ordre purement sécuritaire.
L’enjeu pétrolier est ainsi une donne non négligeable qu’il convient de considérer comme relevant des piliers fondamentaux de la stratégie politique américaine. Clamer haut et fort la nécessité pour l’Irak de se doter d’un nouveau leader afin de voir s’éloigner le spectre de la guerre revient en effet à encourager l’émergence d’un gouvernement jugé digne de ce nom car conforme aux ambitions et exhortations à l’émanation de Washington. Avoir un gouvernement pro-américain à la tête de l’Irak favoriserait ainsi une gestion du pétrole du pays bien plus conforme aux intérêts américains, fait qui permettrait de surcroît aux Etats-Unis de réduire leur dépendance à l’encontre d’un royaume saoudien dont le soutien à la politique américaine est jugé de plus en plus vacillant, notamment du fait de la montée croissante des rejets anti-américains au sein de son opinion publique.
Mais les enjeux d’ordre plus précisément sécuritaire ne sont pas à négliger pour autant. La présence massive de forces militaires américaines et pro-américaines aujourd’hui dans le Moyen-Orient ne fait en effet pas rôder la menace sur l’Irak uniquement. Pourrait-on en effet envisager le retrait de toutes ces forces de la région une fois Saddam Hussein écarté ?
La réalité semble être que la machine risque d’ici peu de s’enclencher de manière à pousser maints autres Etats du Moyen-Orient, notamment ceux jugés menaçants pour l’Etat d’Israël, à se ranger du côté de valeurs plus « occidentalement correctes ». Maints signes des tensions relatives à cet état des faits sont d’ores et déjà perceptibles. Ainsi va-t-il des exhortations d’Ariel Sharon qui, avant sa réélection déjà, appelait les Etats-Unis à ne pas limiter la présence de leurs troupes à la seule dimension irakienne, mais à étendre leur action à l’encontre de l’Iran et de la Syrie, pays jugés tous deux menaçants du fait de leurs connexions présumées avec le Hezbollah libanais. De même concernant les interminables déclarations biaisées de l’Egypte et de la Jordanie, qui se retrouvent dans des postures finalement aussi dérangeantes pour les Moyen-orientaux que pour les Américains et les Israéliens : Le Caire et Amman restent en effet partagés entre leur volonté de défendre la « cause » arabe et la nécessité pour elles de s’en tenir au respect des accords de paix qui les lient à Israël, seule garantie du maintien d’une perfusion financière américaine plus que vitale. Enfin, la réunion d’Istanbul précédemment évoquée n’aura même pas été suivie de déclarations individuelles à l’émanation, par exemple, d’Etats réputés précédemment alliés : nous faisons allusion à l’Iran et la Syrie, pays réputés jusqu’à peu soucieux d’afficher une position politique conforme à certaines de leurs exigences communes. L’Iran, confronté à maintes tensions d’ordre interne, semble de plus percevoir l’ampleur de la menace qui plane sur ses intérêts, ne serait-ce qu’en tant que pays cité comme faisant partie de l' »axe du mal » tel que conçu par les Etats-Unis. L’émergence d’un gouvernement irakien acquis aux Américains pourrait en effet provoquer une forte pression militaire sur la Syrie et l’Iran à la fois : Damas pourrait alors éventuellement échapper pendant quelque temps encore aux velléités américaines du fait de la coopération active qu’elle engage aux côtés des Etats-Unis dans la lutte contre les membres du groupe al-Qaïda ; mais l’Iran verrait pour sa part sa survie étroitement menacée. A moins que le président Khatami réussisse à faire passer subitement des réformes d’ordre interne, ce qu’il semble néanmoins très risqué de vouloir provoquer, particulièrement dans le contexte iranien…

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