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La paix comme impératif absolu

A l’occasion du nouvel an juif, qui a commencé à l’automne, La Médina a demandé à Meir Waintrater, directeur de la rédaction de L’Arche, mensuel du judaïsme français, de nous faire part de son regard sur le conflit au Proche-Orient.. Un plaidoyer pour la paix, considéré comme un « impératif absolu », au même titre que la vie. Quant à la justice…

En septembre, les Juifs de France, d’Israël et du monde entier célèbrent les fêtes du commencement de l’année. C’est alors que l’on examine ses actions passées, et que l’on prend de bonnes résolutions pour l’avenir. Voici donc quelques réflexions inspirées par l’air du temps ; voici ce qu’à mon humble avis nous pourrions faire afin de laisser à nos enfants un monde meilleur.

Lorsque je dis «nous», je pense aux Juifs, aux Musulmans, aux Chrétiens, et à l’ensemble de nos «frères humains». C’est-à-dire que j’ai fait de mon mieux pour rédiger ces propositions en des termes qui, me semble-t-il, peuvent s’appliquer à tous indistinctement. Pour être simple, j’ai résumé cela en sept points (le chiffre sept est, depuis la création du monde, le chiffre biblique par excellence).

1. Fraternité. Dieu, dit la Bible, a créé l’homme et la femme – pas le Juif et le Musulman, ni l’Israélien et l’Arabe, ni le Français et le Malien. Nous sommes tous frères, issus des mêmes ancêtres, donc égaux en droit. Dans les moments d’égarement ou de colère, ce seul rappel devrait nous ramener à la raison.

2. Respect. La tentation est forte, parfois, de se dire : d’accord, l’Autre est mon frère, mais il gagnerait quand même à être comme moi (juif, musulman, chrétien, etc.) et alors je l’aimerais davantage. Cette pensée est le subterfuge du Diable pour nous faire oublier la fraternité. Non, l’Autre ne gagnerait pas à être comme moi. C’est précisément sa différence que je dois apprendre à respecter (pas à tolérer : à accepter inconditionnellement).

3. Dialogue. Il ne suffit pas de reconnaître la légitimité foncière de l’Autre à être ce qu’il est. Il faut aussi faire l’effort de le comprendre, même (et peut-être surtout) lorsque cela exige de nous un effort particulier. C’est par le dialogue que nous découvrons ce visage de l’Autre dont nous parlait Lévinas. Pratiquer le dialogue est plus qu’une nécessité pratique : c’est une vertu en soi. Il s’ensuit qu’il faut éviter de dire, ou faire, des choses qui rendront le dialogue plus difficile.

4. Amour. Le commandement «Tu aimeras ton prochain comme toi-même» figure au cœur de la Torah hébraïque (Lévitique 19, 18). Ce commandement n’est pas subordonné à une condition : tu aimeras ton prochain s’il est agréable, s’il se conduit bien, s’il pense et agis comme tu le voudrais… Non, tu dois l’aimer parce qu’il est ton prochain. Et, peu après, la Torah revient sur le thème de l’amour dans un contexte qui mérite d’être rappelé aujourd’hui : «L’étranger qui réside avec vous sera pour vous comme un compatriote. Tu l’aimeras comme toi-même, car vous avez été étrangers au pays d’Égypte» (Lévitique 19, 33-34).

5. Vie. Le primat de la vie est absolu. Le «Tu ne tueras point» des Dix commandements n’est pas seulement une condition de la vie sociale, c’est un impératif éthique. Rien, sinon la stricte légitime défense, ne m’autorise à prendre la vie d’autrui. Rien non plus ne m’autorise à inciter autrui à sacrifier sa propre vie. Une cause, aussi juste soit-elle dans l’absolu, qui se nourrirait de la mort d’êtres humains serait, par là même, moralement corrompue et dévastatrice pour ceux qu’elle prétendrait servir.

6. Justice. «La justice, la justice tu poursuivras», nous dit encore la Torah (Deutéronome 16, 20). Non pas ta justice privée, celle qui répond à tes «justes revendications», mais une justice absolue, qui vaut pour tous les hommes.

7. Paix. On associe souvent l’exigence de la paix à celle de la justice. Certes, dans le long terme, la paix ne peut survivre dans l’injustice. Mais la justice est trop souvent vécue comme relative (voir ci-dessus). Or repousser la paix au nom d’une revendication de justice, c’est prendre le risque que les hommes de paix ne soient plus là lorsqu’on y sera prêt soi-même. La paix est un impératif absolu, au même titre que la vie.

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