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Des résistances en fusion

Deux ans après le début de l’Intifada al Aqsa, la situation dans les territoires palestiniens et en Israël reste très critique. L’immobilisme de la communauté internationale, le parti pris systématique des Etats-Unis en faveur d’Israël engendrent la colère, l’humiliation et la frustration dans l’ensemble du monde arabo-musulman et des pays du Tiers-monde. Même si les forces de défense israéliennes ont enregistré des succès significatifs, elles n’ont pu venir à bout d’un adversaire qui privilégie la stratégie du faible au fort.

Pour la première fois de son histoire, Israël est confronté à une guerre de basse intensité à l’intérieur de son territoire et à sa périphérie. Fort de sa popularité et de la bienveillance américaine, Ariel Sharon a réussi à imposer sa politique en utilisant la force pour détruire l’Autorité Palestinienne et « neutraliser » Yasser Arafat, qu’il ne considère plus comme un partenaire avec lequel il faudra négocier la paix. Le gouvernement israélien applique donc une stratégie du tout militaire qui consiste à anticiper et à riposter aux opérations des activistes palestiniens, en accentuant la pression sur Yasser Arafat, en détruisant les infrastructures de l’Autorité palestinienne et les réseaux d’activistes, et en réoccupant les principales villes de Cisjordanie.
Dans les territoires désormais tous réoccupés, la situation socio-économique catastrophique tend à s’aggraver et à radicaliser la population. Renforcées par les opérations « Rempart de protection » et « Voie ferme », les mesures sécuritaires israéliennes imposées aux Palestiniens – incursions, interdiction pour les travailleurs de se rendre en Israël, couvre-feux, bouclages des villes et des Territoires, restrictions de circulation – contribuent à la destruction du tissu économique et aggravent la paupérisation de la population. Le chômage, en progression, toucherait plus d’un Palestinien sur deux. Plus de 60% de la population se trouverait au-dessous du seuil de pauvreté (340 dollars par mois et par personne). L’économie palestinienne est au bord de l’effondrement. Membre de la commission européenne dans les territoires occupés, Nadim Kartuli a récemment déclaré : « qu’avec des conditions politiques favorables et une aide internationale massive, il faudrait au moins cinq ans pour que l’économie palestinienne retrouve son niveau d’avant ».
La liste est longue, sans parler des conditions sanitaires, déjà désastreuses, qui continuent de se détériorer.
A court terme, il n’y aura sans doute pas de sortie de crise car chaque belligérant « joue » le temps et l’usure avec la certitude que cette stratégie lui sera favorable. Pour Sharon, la paix doit reposer sur la suprématie d’Israël tandis que pour les Palestiniens, il ne peut y avoir de cessez-le-feu avant l’application des résolutions des Nations unies concernant le retrait des forces d’occupation de tous les territoires occupés, y compris Jérusalem, et la proclamation d’un Etat palestinien indépendant et souverain.
Quoiqu’affaiblie et malgré une certaine désorganisation des réseaux sur le terrain, la résistance palestinienne conserve des capacités opérationnelles qui lui permettent d’entretenir l’insécurité sur les territoires contrôlés par Israël.
L’insurrection palestinienne, d’abord « populaire », s’est vite militarisée pour se transformer en une espèce de guerre de guérilla, s’appuyant sur la détermination et la volonté de résistance de la population ainsi que sur le ressentiment anti-israélien suite à l’intensification des opérations militaires des forces israéliennes dans les territoires occupés.
La généralisation de l’attentat suicide est alors apparue comme le seul moyen offert aux groupuscules palestiniens de renverser le rapport de force car il s’avère impossible pour les forces de sécurité israéliennes d’empêcher les infiltrations de kamikazes.
Au fil de l’intifada, la résistance palestinienne s’est de plus en plus atomisée en groupuscules peu liés les uns aux autres. Les divisions territoriales imposées par les Forces de défense israéliennes ont favorisé l’autonomie des responsables locaux et ont eu pour effet « d’unifier » les mouvements laïques et islamistes contre l’Etat Hébreu. Ainsi, au cours des derniers mois, un nombre croissant d’opérations a été menées de concert par les Brigades des martyrs d’al Aqsa et le Hamas. Présentées comme des émanations des Comités populaires de la résistance, des activistes du Hamas et du Fatah agissent ensemble sous l’étiquette des Brigades Salah ed-dine dans la bande de Gaza. Dans les territoires occupés, les activistes des différents mouvements sont fréquemment liés par des relations familiales ou amicales, ainsi que par des solidarités de fraternité d’arme forgées lors des combats.
Les groupes islamistes, au premier rang desquels le Hamas (Mouvement de la résistance islamique) qui a revendiqué les opérations les plus meurtrières commises en Israël, cueillent les fruits de leur engagement, en première ligne, dans le soulèvement palestinien et voient leur aura augmenter au sein de la population palestinienne, notamment à Gaza. Selon le chercheur palestinien Khalil Shibaki, « une des grandes forces du Hamas est de parvenir à discipliner une partie des chebabs, les jeunes de 8 à 16 ans. On estime que trois quarts des jeunes de moins de 25 ans sont partisans de la formation islamiste ».
Par son emprise dans la société et ses capacités opérationnelles, le mouvement reste la principale menace pour Israël. Fondamentalement pragmatique, il est tout à fait capable d’accommodements,
demain comme par le passé. En choisissant de rallier l’OLP et de participer aux prochains scrutins électoraux (janvier 2003), où il espère récolter les fruits de son activisme social et caritatif en Palestine et dans la plupart des pays arabes, le Hamas par la voie de son aile modérée, tente de s’affirmer sur la scène politique intérieure palestinienne à l’heure où la succession d’Arafat soulève un grand nombre d’interrogations pour l’avenir.

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