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Dan Albo : l’art à la croisée des identités

Du 29 novembre au 1er décembre, l’organisation Terre de vie propose un  » Forum culturel des chercheurs de sens  » à la mairie du VIe arrondissement de Paris. En son sein, une  » exposition pour la paix  » réunissant quatre artistes, deux Palestiniens et deux Israéliens. Entretien avec Dan ALBO, peintre israélien d’origine séfarade pour lequel l’art a à voir avec le dénouement des identités, et le dénouement des identités a à voir avec la paix.

Du 29 novembre au 1er décembre, à la mairie du VIe arrondissement de Paris, l’organisation Terre de vie(1) propose un « Forum culturel des chercheurs de sens », au sein duquel se tient une « exposition pour la paix » au Proche-Orient. Le concept en est simple : deux artistes israéliens, Yosefa Yoserad et Dan Albo, et deux artistes palestiniens, Iman Abou Hmid et Abded Abdi, présentent des dessins figurant les territoires de la Palestine mandataire. « Je leur ai demandé de dessiner leur pays, un endroit de la terre qu’ils aiment et qu’ils ont en partage », précise Vianney Mallein, concepteur et réalisateur du forum. « Et je me suis aperçu que, malgré le conflit qui perdure, ils ont parfois de cette terre une vision commune ». L’exposition se termine par un parcours de quatre vingt dessins d’enfants des deux peuples, qui ont œuvré au cours d’une séance de travail en commun.
A l’heure où une majorité d’Israéliens soutiennent la politique répressive menée par le gouvernement d’Ariel Sharon, La Médina a rencontré le peintre et poète Dan Albo. Né au Maroc en 1955, ayant toujours eu de son art une conception politique – au début des années 1980, il organisait des cours de peinture pour les falachas éthiopiens afin de favoriser leur intégration en Israël -, Albo fait partie de cette minorité d’Israéliens qui se sont résolument engagés, coûte que coûte, dans l’instauration d’un dialogue avec les Palestiniens. Un dialogue où l’art doit jouer son rôle, car il peut contribuer à mieux comprendre l’autre et à dénouer les irréductibilités identitaires supposées, qui ont une large part au conflit.

Fond culturel commun
« Pour mieux interroger notre passé et nous sentir bien dans notre peau, nous devons accepter notre identité dans toute sa complexité », affirme Dan Albo. « La condition des Israéliens séfarades est particulièrement éclairante à ce sujet. L’histoire du XXe siècle semble en avoir fait des êtres uniformément juifs, et il est vrai qu’ils revendiquent intégralement cette judaïté. Ainsi, avant d’être parfois mal accueillis en Israël par les communautés ashkénazes, les juifs marocains ont aidé leurs correligionnaires d’Europe de l’Est. Dans les années 1920 et 1930, ce sont des séfarades qui se sont organisés pour collecter des fonds et les envoyer aux juifs russes ou allemands, victimes des pogroms ou des premières mesures antisémites. Ceci dit, les juifs marocains appartenaient aussi pleinement au Maroc, dont le roi a choisi des ministres et des administrateurs juifs pendant des siècles, y compris dans le premier gouvernement indépendant nommé par Mohammed V ».
Or cette identité double, explique Albo, peut jouer son rôle dans le rapprochement des deux peuples. « Il existe un fond culturel certain entre les Israéliens d’origine séfarade et les Palestiniens : de nombreux séfarades parlent arabe, ce sont des orientaux. Et je crois que ce fond culturel commun peut contribuer à la paix. Mais les Palestiniens n’ont pas encore compris la composante orientale de notre identité et le rôle qu’elle peut jouer dans le règlement du conflit. Ils considèrent tous les Israéliens comme des juifs, de façon monolithique, et ratent là, à mon avis, une occasion de réchauffer les relations entre les deux peuples. Maintenant, pour combler ce fossé et ces incompréhensions, je crois nécessaire de canaliser toutes les énergies vers le rapprochement humain, qui passe entre autres par le développement artistique. C’est là un des sens de l’exposition organisée par Terre de vie ».

Marouane Barghouti en exemple
Fervent adepte des identités complexes, Dan Albo aime à citer une anecdote concernant le responsable palestinien Marouane Barghouti, aujourd’hui sous le coup d’un procès criminel intenté par l’Etat israélien. « Discutant en hébreu, langue qu’il a apprise en prison, avec un journaliste du quotidien israélien Haaretz, Barghouti se fait interrompre en arabe par un de ses compatriotes, qui lui demande de traduire son entretien. Gêné, il reprend son dialogue avec le journaliste et lui dit : « Laisse, c’est un goy, il ne comprend pas l’hébreu ». Dans une situation aussi tragique, cet humour fait preuve d’une grande intelligence et d’une compréhension profonde de l’autre, qui ne peut à mon sens que contribuer à la paix ».

(1) Contact : 01 46 10 09 63

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